14 janvier 2009

Internet killed the newspaper star

Dans le dico des déformations professionelles, rangé entre les poussées de bras au milieu du front chez les ingénieurs de Tchernobyl et le chômage chez les illustrateurs professionels, on trouve chez certains membres du corps médical une incapacité à considérer le corps humain autrement que comme un amas de bidoche plus ou moins fonctionnel.


Je voulais faire une sorte de lettre ouverte à mon ami Nikobo, qui souffre d'une baisse de régime dans sa passion, à cause selon lui du fait que "[son] oeil est corrompu par [sa] fonction". Le pauvre bougre est en effet game designer, et malgré sa relative fraîcheur dans le métier, je peux témoigner pour être dans le même cas, pas besoin d'être vétéran pour ne plus être capable de voir l'objet de son métier d'un autre oeil que celui de l'analyste.

Mais je me suis déjà entretenu avec lui, donc la lettre ouverte en sera une à posteriori, juste pour partager ces réflexions avec vous, public en liesse.

A partir du moment où l'on commence à oeuvrer dans le petit monde du jeu vidéo, et c'est valable pour bon nombre de métiers, pour rester au niveau, on se doit de conserver un oeil critique sur son propre travail, le théoriser, le quantifier.
La magie fait peu à peu rapidement place à la science, et le mystère est défloré à même le sol de votre imaginaire.

On se découvre alors à rentrer chez soi, après une éreintante journée à faire des puzzles pour casuals, allumer machinalement cette bonne vieille console avec qui on a tant partagé, et à la voir d'un autre oeil. Ce jeu commencé il y a plusieurs semaines a l'air plus fade, les menus paraîssent moins beaux, les défauts sautent aux yeux, les choix de couleur semblent douteux, le personnage se collisione les polygones et les textures sont pixelisées.

Pas de doute, c'est le métier qui rentre.

Cependant, Koubo ne parle pas d'une frustration technique. Ce ne sont pas les défauts désormais apparents du jeu qui lui sapent son expérience. L'expérience elle-même est devenue fade, amoindrie, diminuée. L'excitation n'y est pas, et la hargne qui le tenait jadis en éveil jusqu'aux petites heures juste pour voir une énième fois cet émo ridicule de Sephiroth psalmodier dans un français approximatif une litanie de répliques foireuses façon "Plus belle la fantasy", cette hargne n'est plus que l'ombre d'elle même, le fantôme d'une passion passée, qui ne lui donne même plus au matin la force d'allumer sa DS AVANT d'éteindre son réveil.

Le deuxième effet Kiss Cool d'être acteur d'un domaine de création, c'est l'information. On doit se tenir au courant des sorties de jeux, des annonces, des tendances, s'abreuver d'images de jeux à venir, d'exemples d'application d'une technologie, de vidéo de gameplay de jeux inspirants. Bref, il faut baigner dans cet univers pendant une proportion conséquente de notre temps dit "libre".
Mais ce n'est pas exactement nouveau. Il y a quelques années, avant que nous soyions tous rivés à nos Googles, on attendait patiemment le premier jeudi du mois où arrivait en magasin, pour la plèbe, ou dans la boîte aux lettres, pour les nantis comme moi, le Magazine Mensuel de Jeux Vidéo. Plusieurs écoles, Playmag, Joypad, Gen4, et un contenu toujours affriolant. On y trouvait des screenshots bidonnés à n'en plus pouvoir de jeux prévus pour dans 2 ans, des photo-reportages d'envoyés spéciaux (ok, des photo-reportages de juste Greg) en direct du Japon, comme autant de contes illustrés ramenés de la planète Mars, et quelques tests, qui faisaient office de voix du seigneur, colportée par des apôtres tout juste post-pubères.

Mais les magazines coûtent cher, et l'heure est à l'Internet haut-débit.
Haut-débit d'images, d'informations, de vidéos en streaming, de commentaires par milliers sur des annonces moins qu'anecdotiques. C'est la surabondance d'opinions, de scoop, d'exclusivités aussi étanches qu'un parapluie en résille.
On est loin de l'époque sus-décrite où il fallait attendre un mois entre chaque largage de contenu, où l'on lisait et relisait pendant des semaines ces 3 paragraphes sur Virtual On Oratorio Tangram, collés sur 2 gigantesques images léchées de ces mechas colorés.
Internet a amené avec son immédiateté une profonde dévalorisation de l'information.
Tout le monde peut s'improviser journaliste spécialisé en jeux vidéo, moi y compris.
Du coup, dans ce marasme journalistique, la surenchère de média est devenu la norme. On peut voir la quasi totalité d'un jeu 6 mois avant sa sortie. Les vidéos de gameplay arrachées (tu parles) aux développeurs se retrouvent dans la seconde qui suit visionnées en haute définition par les gamers affamés d'image du monde entier.

Je pense avoir vu -malgré moi- bon nombre des moments-clés de Metal Gear Solid 4, sans avoir jamais touché au jeu.
A vrai dire, à l'heure actuelle, un des seuls jeux très attendus à ne s'être que peu dévoilé reste Final Fantasy XIII. Square a réussi un vrai teasing en montrant les mêmes images depuis 2 ans Erratum, en fait ils commencent à plomber les médias d'images en tout genre, incluant un nouveau personnage aux cheveux et au ridicule frisés.

Comme la pornographie serait un média discret dans un monde de nudistes, la surabondance d'informations sur les jeux vidéo émousse la passion de ceux qui les ont suivis de près, à vouloir en dire et montrer toujours plus.

Cherche pas, Koubo, si ton entrain vidéoludique s'émousse, c'est pas la faute à la manette, c'est la faute au web.

4 cowabungarrr!:

Anonyme,  mercredi, 14 janvier, 2009  

"cet émo ridicule de Sephiroth psalmodier dans un français approximatif une litanie de répliques foireuses façon "Plus belle la fantasy" "
Je devrais te haïr pour ça, mais...tu as tellement raison...
C'est le métier qui rentre...
Chier.

Unknown mercredi, 14 janvier, 2009  

Désolé, vieux, ça me fend le coeur d'avoir à faire ça, mais tu es assez grand maintenant pour connaître la vérité.
Sois fort.

Anonyme,  jeudi, 15 janvier, 2009  

ohehoh
C'est pas moi qui ai acheté The Bouncer hein...:p
bon.
C'est très joli tout ce bleu.

Unknown jeudi, 15 janvier, 2009  

T...tu n'as pas de preuve !!!! Hein?
Et sinon merci pour le commentaire sur le bleu, ça commence à prendre forme, encore un coup de ripolin ici et là, et je devrais avoir terminé.

Sur le net comme à la ville, Cogopono est skinné par   ©Ourblogtemplates.com, ProBlogger Template revu et corrigé par Mochi